Un après la neige est-il possible + de quelle couleur est le gazon déjà + la sloche sèche-t-elle ?

Le thermomètre a arrêté de faire des ice-blagues du côté des -30°, conséquence: il neige et il neige et il neige. Belle tempête la semaine dernière: +20 cm. Rebelote ce week-end +10 et +5. Idem lundi et mardi: +3 et +4. Cette histoire d’hiver à rallonge, « ça n’a pas de bon sens », comme on dit icitte.

En même temps, on perçoit des tas de petites choses à côté desquelles on serait passé sans ça. Des phénomènes insoupçonnables qui se révèlent, précisément, dans la durée.

La fusion du corps et du vêtement, d’abord. Ne faire plus qu’un avec ses bottes de neige est limite angoissant. Se regarder dans un miroir le matin, au réveil et, pendant une fraction de seconde, avoir l’impression d’être encore coiffé de sa tuque, de ne pas l’avoir quittée depuis la veille. Avant de constater qu’en fait de bonnet, c’est votre coupe de cheveux qui s’est figée dans ce tassement capillaire ridicule. Avoir la marque des mitaines, les vraies, celles coupées à mi-chemin du doigt. Après les avoir retirées, constater une différence de couleur assez nette entre le bas et le haut (la base et le bout) des doigts.

Les éléments désorientés, ensuite: avoir l’impression que le soleil ne chauffe plus. Aucun effet réconfortant sur l’épiderme, bon sur le peu d’épiderme encore à découvert, c’est étrange comme sensation. Lorsqu’il fait très froid mais très beau, voilà ce qu’il advient. Il y a aussi ce fameux « facteur vent », celui-là même qui peut faire chuter la température d’une dizaine de degrés supplémentaires.

La preuve par l’image, mercredi 9 février. Un petit -9° acoquiné avec un vent de Sud-Ouest de 26 km/h donne une température ressentie de… -18°. Du simple au double. Je ne sais pas si la mesure de la « température ressentie » est bien scientifique, cela dit, elle est sans conteste due au facteur vent.

Sur le sujet, on m’avait signalé une chronique de Jean-Benoît Nadeau assez savoureuse. Un petit extrait:

« Il y a toujours un facteur vent, c’est obligé.
Expérience amusante pour le cours Hiver 202. Allez patiner sur le canal Rideau (Ottawa) au vent par -18 ° comme je l’ai fait samedi avec la famille. Observer bien. À un moment donné, il facteur-vente très fort de face, ensuite il facteur-vente de côté et ensuite il ne facteur-vente presque plus, et ça recommence.
Au cours Hiver 203, on va retourner patiner, cette fois quand il ne vente pas. Observez bien. Quand vous patinez par un jour sans vent, il vente toujours de face. Wow! «Facteur vent!»
Bref, le patin, le ski, la raquette, la marche sans «facteur vent», ça n’existe pas. Même à reculons. »

On peut lire la suite ici.

Sonner les sloches !

Autre chose tout à fait caractéristique d’un hiver à rallonge. La « sloche » (de l’anglais slush), cette fameuse bouillasse de neige fondant qui, subrepticement, apparaît dès que le temps se radoucit. Le phénomène est évidemment amplifié à la fin de l’hiver, mais déjà les mois qui précèdent, on y goutte, on y goutte. Un grand moment de poésie. Le coin de prédilection de la sloche ? les descentes de trottoirs devant les passages protégés, emplacement qu’évidemment personne n’emprunte jamais, mais où elle peut s’accumuler en toute quiétude.

Sur l’image ci-dessous, on retrouve tous les états de la sloche dans son milieu naturel. Apprenons à les reconnaître.

  • A gauche, la neige pré-sloche, inoffensive.
  • Juste à côté, à droite, la partie plus « marron »: c’est la sloche sincère, appelons la comme ça. Sincère parce qu’en marchant dessus, il ne se passe rien. Le pied peut éventuellement zipper mais c’est à peu près tout.
  • En bas à droite de l’image, on touche par contre à la crème de sloche (dite également « sloche-traître »). Selon le niveau d’accumulation et dans l’hypothèse où vous marcheriez dedans, votre botte peut tout simplement se noyer.
  • Dernier niveau (en haut de l’image): la flaque d’eau, sloche rendue à l’état liquide…

Contourner la sloche peut parfois nécessiter une imagination à toute épreuve. Mais le pire, avec la sloche de mi-hiver, c’est qu’il suffit d’un coup de froid pour qu’elle se transforme en… patinoire. Et évidemment, sur une descente de trottoir devant un passage protégé, c’est pas l’idéal.

Marcher dans la neige, c’est reculer

Marcher dans la neige est une expérience agréable, en soi. Tout les jours, déjà un peu moins. Certains l’auront peut-être remarqué mais lorsqu’on marche dans la neige, le pied recule très légèrement. On a l’impression qu’il faut fournir un effort supplémentaire pour pouvoir avancer, c’en serait presque fatiguant. Ce mouvement arrière, là, il est presque imperceptible quand la couche de neige n’est pas très épaisse et pourtant, il est bien réel. Et on recule. Ou plutôt: on n’avance pas comme on devrait.

A force de marcher dans la neige, depuis bientôt trois mois, j’ai analysé la situation. Grosso modo, à chaque pas, je recule d’un dizième de la longueur totale de mon pied. Donc, toutes les dix foulées environ, c’est comme si j’avais reculé d’un pas. Si je multiplie par le nombre de foulées qu’il me faut pour rejoindre la station de métro Baubien chaque matin depuis chez moi, j’évalue la déperdition quotidienne à une cinquantaine de pas sur la totalité du trajet. Que multiplie le nombre de jours à marcher dans la neige. A la fonte des neiges, j’aurais perdu un temps fou ! Pas loin d’une journée si mes estimations sont exactes.

Pour rattraper le temps perdu, parce que c’est bien de cela dont il s’agit: de temps perdu, que peut-on faire ? Perso, j’ai trouvé la parade: je saute. Un saut tous les dixièmes pas, pas bien grand mais suffisant pour juguler, pour endiguer l’hémorragie du temps perdu, conséquence de l’effet produit par la neige sous ma semelle. Je saute donc je suis.

Bon, les gens ont tendance à me regarder légèrement de travers lorsque je saute tous les dix pas, mais en même temps, je me vois mal leur expliquer la raison de mon comportement. Je ne suis pas certain qu’ils comprendraient, eux qui, inconscients, perdent un temps fou sans même s’en rendre compte.

Cela dit, pour passer un peu plus inaperçu, j’ai trouvé la solution: je saute deux fois d’affilée tous les vingt pas.

A lire aussi:
Montréal presque on ice et l’expérience du grand froid made in Canada
Bienvenue en « poudrerie », le royaume de la neige et du vent

Comments: 8
  • FRANCESCHI 9 février 2011 11 h 21

    et pendant ce temps là, icite !!!, on fait péter les canons à neige…

  • Syg 9 février 2011 11 h 31

    savoureux !

  • Michel 9 février 2011 13 h 17

    MDR… j’adore cet humour et ce petit je ne sais quoi de décalé, sur la situation quotidienne de frenchies in Montréal… Let’s go boy, jump !! jump !! (2x bien sur )

  • anne 9 février 2011 23 h 34

    C’est décidé ! Moi aussi je saute comme toi Rémi !

  • Hortense 10 février 2011 12 h 21

    La crème de sloche ça c’est un super nom pour un fromage ou une pate à tartiner (au lait concentré sucré ?) Faut créer une boite Rémi !!

  • Julie 13 février 2011 20 h 11

    Très drôle cette analyse détaillée de la slush/sloche…

  • Mathieu 16 février 2011 2 h 53

    Très bons glissements sémantiques 🙂

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