La tentation du homard ou comment prendre le large sans en avoir l’air

Dans un restaurant d’Antigonish, le serveur, Montréalais expatrié depuis longtemps dans cette petite ville de Nouvelle-Écosse, nous demande de quel coin de France nous venons – il a deviné nos origines à notre délicieux accent anglais et poursuit en français. Marseille, lui répond-on (pas vexés). Il explique avoir de la parenté du côté de Lille, « deux villes qui ne sont pas très éloignées l’une de l’autre », croit-il.

Tout est relatif en ce bas monde. Montréal-le Cap Breton (Nouvelle-Écosse), aller-retour et détours, c’est 4000 km au compteur. Vues d’ici, Lille et Marseille sont effectivement voisines. Mais qu’importe la distance pourvu qu’on trouve la mer au bout de la route. À Montréal, il y a le fleuve et on l’aime, le fleuve. Mais ce n’est pas la mer. En Nouvelle-Écosse, il y a l’océan et des falaises et des embruns et des crabes et des homards et ça fait du bien de croiser leur chemin…

Il y a aussi ce petit port, Bay St-Lawrence, suspendu à la pointe du Cap Breton. Les bateaux de pêche y tournent-virent toute la journée. On en voit s’éloigner en tuftufant leur fumée noire en direction de Black Point, au Nord-Ouest. Au port, les embarcations qui ne sont pas de sortie semblent éreintées. On ne peut s’empêcher d’imaginer qu’elles sont le reflet de l’âme et de l’humeur des pêcheurs. Mais le temps manque pour espérer saisir la réalité de leurs vies.

Si vous avez l’occasion de grimper à Bay St-Lawrence, arrêtez-vous quelques nuits au Jumping mouse campground, petite pépite accrochée au bord d’une falaise qui domine le port, l’entrée de la baie et le vaste océan… Les casiers à homards y poussent sur des tapis de fleurs qui elles-mêmes poussent entre les mailles des casiers à homards. Une vieille camionnette Chevrolet bleue compte et recompte les vagues qui s’aplatissent au pied du belvédère et un cheval solitaire à la robe pie sabino trimballe son indolence sur l’horizon. Tout un poème.

Comments: 4
  • franceschi 3 août 2015 0 h 26

    ahhh la nouvelle écosse, Robert Frank…..

    Bises

    ef

    • Rémi Leroux 4 août 2015 13 h 00

      Mais je découvre surtout son travail photo!

      • franceschi 7 août 2015 1 h 29

        qui ne correspond plus trop à son best seller des  » américains  » mais c’est une belle évolution ( certainement liée à sa villégiature .

        Il doit se faire vieux le bougre maintenant…

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