En direct du Mur Mitoyen: « Quelle connerie la guerre… »
Quelle connerie la guerre/Qu’es-tu devenue maintenant/Sous cette pluie de fer/De feu d’acier de sang/Et celui qui te serrait dans ses bras/Amoureusement/Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Jacques Prévert n’aurait sans doute pas boudé son plaisir. Sous le «chapiteau» de la Tohu, Cité des Arts du Cirque – pour improbable que soit sa présence en ces lieux –, il aurait peut-être même goûté avec curiosité à cette savoureuse Pomme Grenade. Spectacle des étudiants «finissants» de l’Ecole nationale de cirque de Montréal, promotion 2011, Pomme Grenade est le fruit (évidemment) de leurs nombreuses années de labeur et d’apprentissage. Les dix-neuf artistes, qui n’ont plus rien de débutants, y exposent au grand jour leurs talents à multiples facettes. Tout est fait pour mettre en valeur la discipline dans laquelle chacune et chacun d’entre eux excellent.
L’histoire qu’ils racontent, c’est celle d’un jeune soldat, déserteur, virevoltant, bondissant, plein de fougue et d’énergie, qui cherche, dans le mouvement, un sens à sa vie. Thématique du passage du monde de l’enfance à l’âge adulte qui renvoie de façon allégorique au propre parcours de ces acrobates de l’Ecole nationale de Cirque, appelés désormais à voler de leurs propres ailes…
Mais quel est ce monde dans lequel il, ce jeune soldat séditieux, et ils, ces artistes talentueux, vont chercher à s’inscrire ? Quelle sera leur place ? Sont-ils prêts à supporter la guerre, la violence et la haine ?
Je viens de recevoir/Mes papiers militaires/Pour partir à la guerre/Avant mercredi soir/Monsieur le Président/Je ne veux pas la faire/Je ne suis pas sur terre/Pour tuer des pauvres gens/C’est pas pour vous fâcher/Il faut que je vous dise/Ma décision est prise/Je m’en vais déserter
Boris Vian vient de s’asseoir à côté de Prévert. Il lui sourit. Face à eux, sur la piste, la vie prend le dessus sur l’imbécile logique de guerre. Une vie acrobatique et généreuse. Exigeante aussi. Les canons finissent toujours par se taire.
Pomme Grenade résonne aussi du chant des Révolutions arabes et nous rappelle que le monde bouge, que le monde change, inlassablement. On se dit alors que tant qu’il y aura des acrobates, des clowns et des poètes pour accompagner ses soubresauts ou ses séismes, tout espoir ne sera pas complètement perdu.
Assise à côté de Prévert et de Vian, une petite fille de sept ans a les yeux qui brillent de bonheur. Elle est transportée dans cet univers magique qui pourrait un jour, qui sait, devenir le sien. Lorsqu’enfin la paix l’a emporté et que les acrobates saluent, fiévreux, épuisés et heureux, la petite fille lève les yeux vers moi et dit en souriant: «C’est déjà fini, papa ?»
Crédit photo: Roland Lorente
► Le site de l’Ecole nationale de cirque
► Le site de la Tohu, Cité des Arts du Cirque