Le Canada va-t-il enterrer son « registre des armes à feu » ?
Double actualité qui s’est un peu télescopée hier autour des armes à feu au Canada. La première porte sur la polémique autour du maintien ou non du registre des armes à feu du Canada, registre qui recense la totalité des armes en circulation dans le pays ainsi que le nom de leurs propriétaires. La seconde, moins fun, c’est l’opération séduction de la Marine canadienne près du Vieux-Port de Montréal destinée à « endoctriner des jeunes pour la guerre » dès leur plus jeune âge, selon les critiques émises par la Coalition contre le recrutement militaire dans les établissements d’enseignement.
La « Coalition » dénonce non seulement « une campagne insidieuse » des Forces canadiennes, mais également la mise à disposition lors de cette journée « d’information » d’armes que « les jeunes enfants sont invités à manipuler », selon les opposants à l’opération. L’Etat-major de la Défense a rejeté en bloc les insinuations de la Coalition. Il n’empêche. Que des enfants d’une dizaine d’années – la photo qui ouvre le journal Métro ce matin – se familiarisent avec une belle mitraillette ou un beau fusil d’assaut a de quoi surprendre. Et soulève quelques questions.
Forcément, quand on est voisin avec les Etats-Unis, rois de la gâchette, la tentation de comparer est grande.
Encore un coup des conservateurs… mais qui derrière ?
Le nombre de permis valides au Canada s’élevait à 1 830 542, soit 5 791 licences pour 100 000 habitants, pour un total de 7,5 millions d’armes enregistrées. On est loin des 200 à 290 millions d’armes en circulation aux Etats-Unis (source Wikipedia), mais le chiffre reste toute de même important.
Le Canada a, comme son voisin, connu plusieurs épisodes de fusillades meurtrières dans des lieux publics, qui ont relancé le débat sur la possession et le contrôle des armes à feu. La dernière, la fusillade du collège Dawson, au centre-ville de Montréal en 2006, avait fait deux morts – une jeune femme et le tueur – et de nombreux blessés.
L’histoire aujourd’hui, c’est que les conservateurs souhaitent faire disparaître le fameux registre dans lequel sont répertoriés les propriétaires d’armes d’épaule (pas celles « de poing », pour lesquelles l’enregistrement sera toujours obligatoire) au motif qu’il serait « inefficace » et grand consommateur de fonds publics (4,1 millions de dollars chaque année).
Les opposants – « chasseurs, agriculteurs, autochtones » mais également « certains policiers », selon Le Devoir – font également valoir que « l’enregistrement des armes est une obligation bureaucratique gênante qui ne prévient pas les crimes »:
« Les criminels n’utilisent pas le registre », plaident-ils encore.
Un rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ficelé il y a plusieurs mois mais sur lequel « le gouvernement Harper dort depuis février » selon le Bloc Québécois, serait pourtant favorable au maintien des procédures existantes. Pour de nombreuses et excellentes raisons:
« L’enregistrement de toutes les armes à feu permet de responsabiliser les particuliers, favorise la sécurité et les mesures de protection de la vie. Il constitue un outil d’enquête proactif et utile pour l’application de la loi ».
1 178 permis révoqués depuis le début de l’année
Sur le site de la Gendarmerie royale, on apprend des tas d’informations intéressantes sur l’utilité de relier une arme à son propriétaire. Par exemple:
« Un refus ou une révocation peuvent être motivés par différentes causes par exemple des antécédents de violence un problème de santé mentale un risque potentiel pour soi-même ou pour autrui l’utilisation ou l’entreposage non sécuritaire d’une arme à feu une infraction relative aux drogues ou une fausse déclaration. »
Depuis le début de l’année 2010 (jusqu’en juin), 279 permis ont été refusés et 1 178 révoqués. C’est pas bézef au regard du nombre total, mais c’est déjà ça. Les gendarmes font également valoir que le « Programme canadien des armes à feu a permis aux autorités de résoudre plusieurs crimes en établissant un lien entre une arme et un propriétaire inscrit ».
Dans cette affaire, les défenseurs du registre dénoncent le lobby des armes à feu, « groupe grassement financé aux liens tissés serrés avec le parti conservateur » et qui « ne représente pas l’opinion de tous les Canadiens ».
Le débat parlementaire prévu sur le sujet dans les prochaines semaines s’annonce tendu et apparemment indécis. Jusqu’à présent, le rapport de la Gendarmerie royale n’a pas été rendu public.