Dessine-moi une école…

Depuis deux ans, l’actualité des écoles montréalaises est rythmée par la découverte de nouveaux cas de moisissures, de contamination fongique, de conduits d’aération propulsant un air vicié. Depuis deux ans, des écoles ferment. Les élèves sont relocalisés dans des établissements dont on découvre après coup qu’ils sont eux-mêmes insalubres. Alors, d’autres écoles ferment et attendent d’être décontaminées ou reconstruites.

La majorité des écoles québécoises sont anciennes et les récents problèmes sanitaires sont révélateurs d’une forme d’étiolement du bâti scolaire. Le psychologue communautaire Camil Bouchard s’interroge : « N’est-ce pas le moment propice pour repenser cet environnement physique où se retrouvent quotidiennement nos enfants et les enseignants ? » Samedi 9 février, l’ancien député péquiste est convié à participer à l’évènement « Abattons les murs ! Une nouvelle architecture pour l’école publique ». Porté par plusieurs partenaires dont l’organisme communautaire la Troisième Avenue et le Centre canadien d’architecture, cette initiative se présente sous la forme d’une « charrette citoyenne » où les participants vont concevoir collectivement les maquettes de l’école dont ils rêvent.

À quoi peut-elle bien ressembler, cette école idéale ? Pourrait-on l’imaginer sans murs et entourée d’un jardin luxuriant ? L’espace scolaire est souvent perçu par ses usagers comme une sorte de carcan, « un cadre contraignant de travail et de vie où il appartient à chacun de trouver sa place », écrit la sociologue Marie-Odile Nouvelot. Depuis toujours, les liens sont étroits entre les pratiques pédagogiques et éducatives et les lieux physiques où elles s’expriment. L’école expérimentale créée par le philosophe américain John Dewey ou la pédagogie imaginée par le français Célestin Freinet au début du XXe siècle sont deux exemples d’expériences qui ont bousculé l’organisation spatiale au sein de l’école.

Architecture et décrochage scolaire

En plus d’un siècle, de nombreuses idées novatrices ont émergé. « Mais nous avons également fait de graves erreurs, estime Camil Bouchard. Nous avons bâti des écoles polyvalentes gigantesques où le rôle actif de chacun des enfants est devenu très difficile à imaginer ». Depuis la fin des années 1970, de nombreuses études ont fait la démonstration que plus les écoles sont petites, plus les élèves participent. L’école doit rester ce lieu social où se forge la citoyenneté et se développent les aspirations individuelles et collectives des enfants. Dans un environnement surpeuplé, une grande partie des élèves sont confinés au rôle de spectateurs, analyse encore le psychologue : « Le système a alors tendance à les écarter et à affaiblir leur sentiment d’appartenance à l’institution. Les grandes écoles sont un partenaire inavoué du décrochage scolaire. »

Par ailleurs, l’architecte montréalais Ron Rayside rappelle qu’en d’autres temps l’école occupait une place centrale dans la vie de la communauté. « Dans les villages, elle était un point de repère, au même titre que l’église. En milieu urbain, on parlait de l’école de quartier comme d’un lieu ouvert. Progressivement pourtant, l’école s’est renfermée sur elle-même ». Au point que, dans certains quartiers, les parents ont le sentiment de ne pas être les bienvenus. Rivéllie Tchuisseu, membre du collectif Parents en action pour l’éducation dont les enfants sont scolarisés à l’école Katimavik-Hébert, quartier Saint-Laurent, reconnaît qu’il existe des barrières physiques et d’autres plus symboliques : la sonnette, l’attente parfois longue devant la porte, aller chercher les enfants à tour de rôle. « Il est difficile dans ces conditions ne pas ressentir une forme d’exclusion », souligne-t-elle.

La vitrine

Comment « ouvrir » l’école pour l’amener à retrouver le sens de la communauté ? La plupart des transformations physiques pourraient s’envisager à partir des bâtiments existants, estime Ron Rayside. La façade principale qui donne sur la rue pourrait par exemple être transformée en vitrine : « Ce serait un signal d’ouverture très clair. On veut que la communauté puisse voir ce qui se passe dans l’école et éventuellement y participer. » Mais la transformation physique du bâtiment et de ses usages implique l’adhésion de l’ensemble des représentants de l’institution scolaire.

Une école de petite taille, ouverte sur sa communauté, animée plutôt que gérée, où chaque enfant est intégré et joue un rôle actif dans son propre développement… Tous ces ingrédients, Camil Bouchard les a réunis dans le concept d’« école lumineuse ». Car dans le fond, évoquer l’architecture scolaire est avant tout un bon moyen de parler d’éducation de façon plus large. Une fois réalisées les maquettes et parce que l’école est un bien commun, les organisateurs de la « charrette citoyenne » espèrent que des groupes de citoyens se serviront de ces nouveaux outils pour interpeler les décideurs sur leur vision de l’école et de l’éducation. Afin que chacun apporte sa brique à l’édifice.

> « Abattons les murs ! Une nouvelle architecture pour l’école publique ! », charrette citoyenne organisée par l’Association des familles du Centre-Sud, le Centre Canadien d’Architecture, l’Ecomusée du Fier Monde, les Services aux collectivités de l’UQAM et la Troisième Avenue.

> Samedi 9 février 2013, de 13h à 16h30 à l’Écomusée du Fier Monde, 2050, rue Amherst. Inscriptions : 514 528 8444.