A la COP21, le baptême du feu de Justin Trudeau

L’élection du libéral Justin Trudeau au poste de premier ministre du Canada a mis fin à près d’une décennie de règne « obscurantiste » du parti conservateur. Une embardée à gauche chargée de promesses. Mais certaines ne seront pas faciles à tenir, surtout en matière d’environnement.

Montréal (Canada), correspondance. – En déroulant le tapis rouge au parti libéral de Justin Trudeau, les Canadiens ont confirmé qu’ils avaient un besoin urgent de changement : la victoire du Parti libéral du Canada (PLC) à l’élection fédérale du 19 octobre 2015 tient autant au rejet du système conservateur en place depuis 2006 qu’à l’adhésion récente des électeurs canadiens à la figure de Justin Trudeau. Après une décennie de Stephen Harper, premier ministre austère, usé, évangéliste dont les croyances religieuses ont souvent guidé les actes politiques, partenaire actif des compagnies pétrolières, méprisant envers les peuples des Premières Nations, les électeurs canadiens ont dit « Stop ! ».

Le contre-pied est parfait, tant le nouveau premier ministre est l’antithèse de l’ancien. Jeune (43 ans), sportif, mari attentif et bon père de famille, ancien enseignant de français et d’art dramatique, parfaitement bilingue (il vit et est élu à Montréal), Justin Trudeau avait tout pour séduire les électeurs. Il a aussi pour lui d’être le fils de Pierre Elliott Trudeau, ancien premier ministre et figure marquante de la politique canadienne des années 1970-80. Mais là où son père passait pour un homme froid et distant, voire hautain, diront certains, Justin est cool, souriant, charmeur à ses heures, moderne.

Le leader du PLC a fait campagne sur des enjeux de société auxquels les Canadiens n’étaient plus habitués : allègement du fardeau fiscal de la classe moyenne parallèlement à une augmentation du taux d’imposition des Canadiens les plus riches, promesse d’enquête sur les disparitions des femmes autochtones, engagements dans la lutte contre les changements climatiques, promesse de légalisation complète de la marijuana…

En se positionnant sur des enjeux délaissés par le précédent gouvernement, Justin Trudeau a par ailleurs coupé l’herbe sous le pied de celui qui était présenté en début de campagne comme son principal rival, le leader du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair. Historiquement plus à gauche que le parti libéral, le NPD avait créé la surprise à l’élection fédérale de 2011 en devenant le principal parti d’opposition au parti conservateur. En faisant élire 103 députés, dont 59 dans la seule province du Québec, les troupes de Jack Layton, leader charismatique du parti « orange » et décédé quelques mois après l’élection, avaient relégué le parti libéral au simple rang de faire-valoir.

Mais l’usure du pouvoir conservateur, combinée à une campagne balbutiante du NPD sur certains thèmes sensibles (le port du niqab ou les projets de pipelines, par exemple) ont ouvert la porte à un retour des libéraux au pouvoir. Avec 184 députés élus à travers tout le pays, le PLC a obtenu la majorité absolue à Ottawa. « Une véritable surprise qu’aucun observateur n’avait vue venir », confirme Louis Massicotte, politologue québécois, professeur au département de science politique de l’université Laval, à Québec.

Devenu officiellement premier ministre du Canada le 4 novembre, après avoir prêté serment à Ottawa devant le gouverneur général, représentant de la reine Elizabeth II, Justin Trudeau a tenu à rompre dès sa prise de fonctions avec dix années de pratiques conservatrices. En présentant un gouvernement paritaire tout d’abord, il a tenu l’une de ses promesses de campagne. Composé de trente membres, 15 hommes et 15 femmes, son équipe compte par ailleurs des ministres aux origines culturelles diverses (autochtone, sikh, musulmane). « Un Conseil des ministres qui ressemble au Canada », s’est réjoui Justin Trudeau. Certains observateurs n’ont cependant pas manqué de souligner que cinq femmes parmi les 15 nommées occupaient des postes de « ministres d’État » (ou« ministres juniors »), quand aucun homme ne se retrouvait dans cette situation, et que bien des minorités culturelles n’étaient pas représentées.

Souvent raillé pour son manque d’expérience, Justin Trudeau a pourtant fait preuve d’une habileté politique dès les premières heures de son mandat, affirme Louis Massicotte. Un sans-faute illustré par la réponse apportée à une journaliste qui l’interrogeait sur l’importance de nommer autant de femmes que d’hommes au sein de son cabinet. Devant un parterre de journalistes réunis à l’extérieur de la résidence du gouverneur général à l’issue de la cérémonie d’investiture à Ottawa, Justin Trudeau a eu cette petite phrase déjà passée à la postérité : « Because it’s two thousand fifteen »(« Parce que nous sommes en 2015 »).

Autre symbole fort de son début de mandat : la nomination de Jody Wilson-Raybould au poste de ministre de la justice. Ancienne chef des Premières Nations de Colombie-Britannique (dans l’ouest du pays), membre de la Nation We Wai Kai, Jody Wilson-Raybould est la première Autochtone – le terme désigne les premiers habitants du Canada – à accéder à ce poste. Elle sera chargée, entre autres, de mettre en œuvre l’une des promesses du candidat Trudeau : la commission d’enquête nationale sur les disparitions et les meurtres de quelque 1 200 femmes autochtones depuis 1980 /…

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