Boite à lunch: Sodexo vs 弁当 (bento japonais), la partie s’annonce serrée
On s’en était un peu douté. Cette histoire de boite à lunch, séduisante et exotique de prime abord, se révèle être un enfer quotidien ! Comment imaginer remplir chaque jour ces adorables petites boites en plastique de mets aussi variés qu’équilibrés ? Impensable. Ou alors à passer ses soirées – voire ses petits matins – en cuisine. La victoire du sandwich est proche…
Tout a commencé par une salade de pâtes, toute simple, avec tomate, petits cubes de fromage et vinaigrette. Rien de bien compliqué, une valeur sûre. Pour rassurer les enfants. Pour s’assurer qu’ils mangent. Côté dessert, un bon yaourt bio recouvert d’une confiture maison dont la fraîcheur était garantie par un ice-pak bien frappé… Ce premier jour de boite à lunch avait même pris un petit air de fête. L’effet nouveauté sans doute. Je m’en souviens, c’était la rentrée des classes, il y a quinze jours déjà.
Le pacte de départ
Depuis, comment dire, nous sommes gagnés par une petite dépression venue de l’est, née de l’autre côté, là-bas, dans le pays des cantines scolaires. Une dépression qui se charge en traversant l’océan et qui, en parvenant jusqu’à nous, fleure bon désormais le plateau repas… Si bien que je suis obligé de secouer vigoureusement la tête pour chasser la vision de Pierre Bellon qui m’assaille au moment de remplir les boites à lunch de mes enfants.
Il me nargue, Pierre Bellon, Marseillais d’origine, fondateur de la Sodexo. Lorsque je travaillais à Marseille justement, son nom revenait comme une litanie chaque fois qu’on évoquait les grandes figures industrielles du coin. Pierre Bellon, l’homme devenu milliardaire en gavant nos enfants… Le personnage n’est pas familier à tout le monde. Il l’est pour moi, d’une certaine manière.
Bref. L’enfer de la boite à lunch a donc bel et bien commencé et il est venu plus rapidement que ce que je pensais. Le pacte de départ était le suivant: cinq jours d’école, donc quatre jours de petits plats mitonnés avec amour, un jour de sandwichs. On égraine: patates, feta, vinaigrette. Tarte courgettes-poivrons rouge. Taboulé. Salade de lentilles-cubes de carottes-feta, pâtes-tomates-fromage rebelote, sandwichs jambon cru-concombre-fromage-salade verte. Les enfants s’en sortent bien, eux. Ils aiment ça et mangent volontiers.
Pour nous, c’est une autre histoire. Le pacte est à deux doigts de voler en éclat. La tendance quatre jours de sandwichs, un jour de petit plat est en passe de prendre le dessus. Posé sur mon épaule, Pierre Bellon me ricane dans le creux de l’oreille: « Tu vois bien que je suis indispensable ! Sans moi, te voilà sur le point de gaver tes enfants de pain de mie tous les midis. Excellent pour leur santé !!! » Un diable, ce Pierre Bellon…
Le tout sans machine à laver la vaisselle
Le pire, dans cette affaire, c’est l’amour inconsidéré que je porte désormais pour les lave-vaisselle… objet qui nous fait cruellement défaut depuis notre installation au Canada. Car, qui dit absence de lave-vaisselle, dit vaisselle à la main. Qui dit vaisselle à la main, dit laver les boites à lunch à la main. Or, qui y a-t-il de plus pénible que de laver à la main une boite en plastique dans laquelle 10 cl d’huile d’olive ont pris la journée pour se répandre ?
Je vois d’ici la scène: la petite boite à lunch, ballotée entre les mains des enfants qui, tout guillerets et on ne pourrait les en blâmer, s’en vont et reviennent de l’école en balançant leurs sacs à lunch d’avant en arrière, comme s’ils partaient en forêt ramasser des framboises. L’huile d’olive, elle, suit le rythme, imprime le même mouvement, recouvrant progressivement les parois intérieures de la boite, couvercle compris. Pire. Un des enfants, maladroit, aura mal refermé l’un des clapets en plastique de sa boite et l’huile trouvé un interstice suffisant pour lui permettre de voir plus loin… de nouvelles perspectives pour l’huile d’olive ! Ahhh, joies indicibles de la lunch box.
Comment font donc les Japonais avec le bento (弁当), dont tout le monde me vente les mérites ? Comment font donc les mères américaines pour, chaque jour, avec un sourire sincère et aimant, rattraper leur progéniture sur le pas de la porte en leur disant: « Chéri, tu allais encore oublier ton lunch ! » ? Le fossé culturel est-il trop profond à combler ? Pierre Bellon a-t-il définitivement modelé mon cerveau de petit français ? Ou suffit-il que je me mette en quête d’un lave-vaisselle pour régler le problème ? La suite au prochain épisode…
► Lire aussi: A l’école de la boite à lunch
Je te rassure: quand j’étais jeune fille au pair à NYC, je faisais tous les matins (sur les consignes des parents, je précise), un sandwich à la dinde avec de la mayo ou un sandwich au beurre de cacahuète… Tu as encore de la marge!
J’avais oublié la tentation du beurre de cacahuète ! Exact… j’entre en résistance dès aujourd’hui !
y aurait pas un instit qui trouverait intéressant de passer du temps au repas et deux ou trois parents prèts à préparer quelques repas simple, juste à réchauffer… pour un petit groupe de 10 c’est envisageable et beaucoup plus agréable… le cout ? faut demander une étude à Pierre Bélon !humpf ! mais c’est beaucoup plus intéressant ! avec les plus grands, ils mettent la main à la pate, c’est encore mieux… On en est là, en ce moment dans notre toute petite école francodanoise…en revanche c’est sandwich concombre pour les écoles danoises… Smorbrod ! chacun pour soi avec sa petite boite…
quelle verve ! j’adore !
Mon Dieu, quelle angoisse. Rémi, est-ce que les plats sont réchauffés ou restent froids? Et QUAND trouvez vous le temps de faire tout ça?
Une petite dépression venue de l’est, plutôt, non?
C’est dire mon état, j’en perds le sens de l’orientation ! Sinon, pour te répondre: non les plats sont froids ! Petite précision qui a son importance également: on ne travaille pas encore tout à fait… ce qui nous laisse le temps de préparer tout ça. Je n’ose imaginer quand on aura trouvé un boulot à temps plein…
En tout cas moi je suis bentophile sans hésitation : c’est tellement cute les bento 🙂
http://www.mikatani.com/index.php/shinzi-katoh-boite-a-bento-akazukin.html
Bien plus cute que nos mauvaises boites en plastique, pour sûr !
si c’est froid il est urgent que tu leur apprennes à allumer le barbecue…je vois d’ici la gueule de la boite ou bento fondant sur le grill…bien cuIte siouplait…
Erwann a raison, groupez vous entre parent, affiliez vous à une coop bio et préparez chacun à votre tour une salade pour 10. On vous envoie du camembert!! Et voilà un boulot à plein temps!! Tu vas devenir monsieur sodexo de Montreal avec un nouveau concept de cantine. Le champ est libre!!!